Dans une civilisation de l’accélération continue, les distances ne se mesurent plus en kilomètres, mais en durée. La nature même du temps se met à changer et sa maîtrise devient l’apanage d’entreprises censées nous prescrire de « meilleures » décisions que celles que nous aurions prises nous-mêmes. C’est ainsi que notre destin semble nous échapper. Plus aucune institution n’est capable aujourd’hui d’imaginer des modes de régulation permettant d’éviter les crises qui se succèdent de plus en plus rapidement et d’une ampleur toujours plus grande. Comme dans un bolide, les logiciels qui pilotent le monde technocapitaliste sont les seuls à bord ! Il est urgent pour les citoyens de reprendre le contrôle de leur vie.
Carl Gustav Jung a élaboré une théorie du développement psychique dans laquelle la spiritualité joue un rôle décisif. Bien plus que l’inventeur de la psychanalyse, Sigmund Freud, il se consacrera aux rêves, aux visions et aux fantasmes de nature mythique, mais aussi aux phénomènes dits parapsychiques tels que la télépathie ou les coïncidences signifiantes.
À la même époque, en France, René Guénon travaille à synthétiser les principes d’une connaissance traditionnelle que les siècles ont dissipé voire corrompu. Déclarant œuvrer comme porte-parole de la Tradition, il aide ses contemporains à prendre conscience de l’éloignement inéluctable entre l’homme et l’Absolu.
Les démarches de Jung et de Guénon peuvent sembler similaires, puisqu’ils contestent tous deux l’esprit matérialiste de notre époque. Pourtant, aucun rapprochement ne s’est produit de leur vivant et, bien plutôt, Guénon a consacré quelques-uns de ses textes à une critique féroce de la psychologie analytique jungienne. Cette confrontation mérite aujourd’hui d’attirer notre attention : la dénonciation par Guénon de l’attitude faussement spirituelle de Jung pourrait en effet nous aider à éclaircir les zones d’ombre de la psychologie analytique.
Écrit en pleine crise du coronavirus en Chine, ce petit livre est un brûlot qui valut à son auteur, intellectuel prestigieux et réputé, d’être démis de ses fonctions à l’université de Tsinghua avant d’être emprisonné. En colère contre la gestion calamiteuse du Parti unique du coronavirus, Xu décrit incrimine impitoyablement le système de plus en plus autocratique mis en place par Xi Jinping et passe en revue tout ce qui a contribué à la crise : corruption, lâchetés, incompétence, mépris de la vie humaine et du peuple, tyrannie, politique de cour, censure, totalitarisme, surveillance globale et numérique. Ce texte courageux, écrit par un intellectuel d’un grand courage, offre une vision de l’intérieur sans pareil de la situation chinoise actuelle.
S’imbriquant dans la globalité industrielle, l’information est devenue elle-même une grande industrie. Non seulement les médias n’informent pas sur la réalité et la nature des changements sociaux, mais font en outre obstacle à une prise de conscience et à une véritable connaissance de ce changement. Sous prétexte d’informer l’opinion, presse, radio et surtout télévision font vivre des masses passives dans l’imaginaire.
Bilan de toute une vie de lutte impuissante pour informer l’opinion des effets dévastateurs et liberticides du développement techno-industriel en cours, La société médiatisée montre comment cette médiatisation, en faisant intérioriser leurs contraintes par les individus et les peuples, est au service de la cohérence des sociétés capitalistes ou socialistes dont elle est devenue l’un des rouages moteurs.
Dans ce 11e numéro de Philitt (désormais éditée par les éditions R&N), articles, essais et entretiens permettent de s’interroger sur l’état de la littérature contemporaine, en mêlant critiques et apologies. Si certaines pratiques du milieu de l’édition favorisent le développement d’une littérature commerciale et obligent à redéfinir le statut d’écrivain, des entreprises authentiquement littéraires perdurent et méritent d’être valorisées. Contre la tentation d’une déploration univoque de la perte de la littérature, la revue tient à rappeler que la littérature vit toujours à travers certaines grandes figures contemporaines. Un numéro rafraîchissant, ample, à la pointe d’aujourd’hui, avec deux entretiens inédits de deux des plus grands écrivains contemporains (Krasznahorkai et Cartarescu…).
L’univers a-t-il un sens, un but ou une intention ? Depuis la haute antiquité, les réponses données à cette question ont subi des évolutions notoires, mais aussi des revirements violents et profonds. De nos jours, nous vivons à nouveau une telle bifurcation majeure : notre vision du Tout, du cosmos, de l’univers est en train de se révolutionner radicalement sous l’effet de la physique contemporaine. Et si l’univers était en construction, comme un arbre qui pousse de l’intérieur ? Et si cet arbre-univers avait une âme, c’est-à-dire une force intérieure qui le pousse à pousser, qui le pousse à s’accomplir ? Et si cette force intérieure était d’une certaine manière ce que bien des traditions spirituelles appellent Dieu ? Voilà autant d’interrogations qui seront abordées ici depuis la perspective des philosophes anciens jusqu’aux développements les plus récents de la science.
Jacques Ellul a accordé au début des années 1980 à Madeleine Garrigou-Lagrange des entretiens passionnants et emplis d’intelligence. Il y parle de ses maîtres (Karl Marx, Calvin, Karl Barth et Kierkegaard), de ses amis (Bernard Charbonneau, Jean Bosc) ; il y parle de sa pratique de la dialectique et de sa curiosité insatiable ; il y parle de théologie, de sa foi en Jésus-Christ ; il y parle de politique, de Révolutions ; du communisme, du marxisme, de l’Église ; il y parle d’action, de sa maxime devenue célèbre (« penser globalement, agir localement), de ses engagements personnels (sa paroisse, la côte Atlantique) ; il y parle d’amour, d’humour et de foi. Ces entretiens sont immanquables pour tous ceux qui s’intéressent à la grande œuvre prolifique de Jacques Ellul comme ceux qui voudront apprendre à le connaître davantage.
Ce petit livre édifiant est le recueil des lettres écrites par le philosophe et théologien Romano Guardini au milieu des années 20. Profondément inquiet des défis que doit affronter l’humanité, dont la culture est de plus en plus dominée par la technique, il nous offre une méditation sensible de grande profondeur. Avec une clarté prophétique et une clairvoyance impressionnante, ces lettres émouvantes qui traitent de la difficulté de vivre dans une époque vouée à la technique sont toujours aussi chargées de vérité un siècle après leur rédaction.
Dans ce texte important dans son œuvre, le philosophe russe décrit le déclin de la spiritualité et la déshumanisation d’un monde qui bascule vers le totalitarisme (1936). Il analyse notamment l’idée de guerre, imposée par des régimes politiques collectivistes qui font régner le matérialisme et le mépris de l’individu, mais aussi la servitude volontaire de ce dernier, qui aspire à la force au détriment de lui-même et de sa liberté. La technique, les concepts nouveaux de race, de nationalité, les totalitarismes sur le point de tout emporter ; Berdiaeff prophétise quelques années avant la guerre que l’homme est en voie de bestialisation, au point de se demander s’il mérite encore d’être appelé tel. Comme souvent dans son œuvre, Berdiaeff s’appuie sur son christianisme pour appeler à une renaissance spirituelle, en admonestant toutefois les chrétiens et leur hypocrisie.
Je fus, que son ami Jacques Ellul tenait « pour un des seuls livres fondamentaux sur la liberté », est l’œuvre de philosophie existentielle majeure de Bernard Charbonneau.
Cet Essai sur la liberté, véritable odyssée intellectuelle et sensible d’une liberté incarnée, à laquelle Bernard Charbonneau donne corps, sang, chair, esprit et style d’une manière incomparable, s’articule autour de l’autre concept central de sa pensée : la nature.
Imprégné des intuitions de ses maîtres (Montaigne, Pascal, Kierkegaard, Nietzsche), Charbonneau explore le concept de liberté sous toutes ses formes ; la sienne est une liberté forcément tragique (« le plus dur des devoirs ») qu’il oppose au « mensonge de la liberté » et à tous ses avatars idéologiques, technoscientifiques ou consuméristes.
Un livre indispensable pour quiconque cherche à être vraiment libre, c’est-à-dire à interroger les conditions de possibilité de sa propre liberté – et surtout à la vivre, ici et maintenant.
Pour la toute première fois, le philosophe Dany-Robert Dufour évoque sa vie et les grands événements qui l’ont jalonnée, de l’enfance à la consécration d’écrivain, en passant par Mai 68, l’activisme politique et la prison. Il dresse aussi un bilan intellectuel de son œuvre, en démêlant un par un les principaux fils de sa pensée. Ces entretiens sont l’occasion de revenir sur cinquante années d’histoire politique et intellectuelle en France. On y découvre un témoignage profond sur l’époque de l’indépendance algérienne, sur les révoltes estudiantines, mais aussi sur la libéralisation générale de la société au tournant des années 1980. Dany-Robert Dufour relate ainsi les rencontres qui ont marqué son existence : Kostas Axelos, Marcel Gauchet, Serge Leclaire, Alain Caillé, Jean-Claude Michéa et beaucoup d’autres.
Nous sommes entrés dans une ère de grandes convulsions. Les crises se multiplient autour de nous, qu’elles soient politiques ou institutionnelles, industrielles ou financières, écologiques ou sociales, identitaires ou religieuses. Partout, on s’inquiète pour l’avenir. Nos aïeux attendaient des lendemains qui chantent ; mais le présent ne cesse de déchanter.
Le mot krisis, en grec antique, signifiait à la fois le problème et la solution. La crise désigne un moment de rupture : le monde ancien meurt, pendant qu’un nouveau cherche à naître. Nous sommes entrés dans une de ces époques. Les cinquante dernières années ont charrié avec elles davantage de bouleversements que tous les siècles précédents. Mondialisation, numérisation, ubérisation ; essor inédit des réseaux virtuels et de l’interconnexion ; bientôt transhumanisme, robotique et cybernétique. Tous les repèrent se mettent à vaciller.
Face aux angoisses, aux fractures et aux crispations, l’heure est plus que jamais venue de renouer avec un sens libre du débat. Des intellectuels issus de tous les champs disciplinaires ont accepté de répondre aux interrogations de notre temps. Ils sont sociologues, historiens, philosophes ou économistes. Loin d’être d’accord sur tout, ils partagent cependant un même souci de notre destinée collective. Les pistes qu’ils dessinent contribueront à nourrir les réflexions politiques de ces prochaines années.
L’un des historiens des idées les plus influents du XX siècle dissèque et analyse un mouvement qui a changé le cours de l’histoire. Brillant, éclairant, profond et éloquent, cet essai célèbre et resté inédit en français est une performance intellectuelle originale et aboutie qui est parvenue au rang de classique.
Isaiah Berlin y passe en revue les nombreuses tentatives de définir le romantisme, distille son essence, retrace son évolution depuis ses premiers soubresauts jusqu’à son apothéose, et montre comment ce mouvement continue d’influencer notre vision du monde…
Les crises manifestes dans lesquelles nos sociétés se débattent remettent au premier plan les questions de morale et la possibilité de déterminer les principes d’une morale commune. Tout le monde commence à percevoir que le slogan « c’est mon droit », revendiqué par tout un chacun, nous mène droit dans un mur.
Cet ouvrage propose en premier lieu de déterminer les fondements d’une morale commune qui pourrait valoir devant le tribunal de la raison. Il propose ensuite d’essayer de comprendre comment la morale se transmet et pour quelles raisons nous finissons le plus souvent par lui obéir…
L’Orwell essayiste a écrit de très nombreux essais, la plupart parus dans la presse de l’époque. Peu cependant traitent directement de la liberté d’expression et de pensée, thèmes chers s’il en est à l’auteur de La Ferme des Animaux et de 1984.
Dans ce petit texte offensif, prononcé à l’occasion d’un événement en faveur de la liberté de la presse, Orwell s’insurge contre les discussions sur le sexe des anges quand elles ne sont pas de franches louanges envers le communisme soviétique…
Premier livre du grand écrivain argentin Ernesto Sabato, L’Univers et soi (1945) est l’entrée fracassante d’un physicien dans la carrière littéraire.
Dans cet abécédaire inédit qui lui valut l’un des prix les plus prestigieux d’Argentine (décerné par un jury où siégeait son illustre ainé Bioy Casares), le jeune Sabato, déjà lucide, méditatif, drôle, révolté, passe en revue les faits politiques et philosophiques hérités de la modernité et analyse avec style et clarté leurs conséquences au XXe siècle…
Emmanuel Mounier aborde ici les questionnements existentiels, philosophiques et politiques qui accompagnent le développement de la technique et du machinisme et s’attaque au catastrophisme qu’ils suscitent au sortir de la Seconde Guerre Mondiale.
Autour des concepts d’apocalypse (dont la notion contemporaine « d’effondrement » représente l’envers laïque), de machinisme et de progrès…
Écrit à la fin et au lendemain de la Deuxième Guerre, à un moment où l’État devenait de plus en plus puissant en même temps qu’incritiquable, ce livre-somme est l’œuvre politique majeure de Bernard Charbonneau. Ce livre impubliable à une époque obsédée par les horreurs du nazisme et la puissance du stalinisme est devenu pour ses admirateurs, comme Jacques Ellul, un classique.
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